Cela vous paraît déconnecté du monde dans lequel on vit ?
Certes, dans notre société occidentale, le vide n’a pas bonne presse, on est plutôt dans les injonctions de « toujours plus de tout », « toujours plus vite ».
Pourtant, si cela vous interpelle, c’est probablement que cela résonne en vous ; il se peut que vous traversiez une période de flottement, une de ces périodes où l’on se sent insatisfait sans véritablement savoir pourquoi… Que ce soit sur le plan professionnel ou personnel, vous n’arrivez plus à vous sentir intéressé par l’activité qui vous entoure, vous essayez de faire bonne figure mais franchement le cœur n’y est pas ! Peut-être aussi en avez-vous traversé une en composant tant bien que mal…
Ce vide qui semble nous emplir par moment fait peur. Lorsque la sensation s’installe sur la durée, elle nous apparaît comme un dysfonctionnement…
Pourtant, ces périodes de « vide » sont propices à s’ouvrir à autre chose, mais pour cela, il est utile de commencer par l’accueillir plutôt que d’essayer de remplir à tout prix notre agenda pour se donner l’illusion.
Dans cet article, je reviens sur ce vide intérieur qui est un concept plutôt développé dans la pensée orientale. Dans la société occidentale, il s’agit plutôt de combattre le vide, chose qui ne fait malheureusement qu’accroître le stress ou le mal-être de nombreuses personnes, toutes générations confondues… après, on s’étonne de manquer de psy !
Qu’est-ce que le vide ?
Cet état de « vide intérieur » se retrouve en général lorsque l’on traverse une période de transition, ces périodes de changement intérieur naturelles qui interviennent à des moments clé de la vie. On pense à l’adolescence bien sûr, mais il y a aussi toutes les transitions de l’âge adulte auxquelles on pense moins : la quarantaine, la cinquantaine, le départ des enfants, etc.
Tentative de définition
Le vide, ce serait l’équivalent de « rien », pas de projet, pas d’envie, pas d’énergie…
Le vide culpabilise souvent, mais surtout, il fait peur car on se sent responsable de ce qui nous arrive. Bien souvent, avant d’éprouver ce sentiment de vide, on a fait tout ce qui était de notre ressort pour avoir une vie épanouissante… et patatras, plus rien ne fonctionne !
Inconsciemment, le vide renvoie au sens que chacun donne à sa vie.
Pourtant, aussi anxiogène que cela puisse paraître, c’est aussi de la place pour laisser venir autre chose. C’est là que les notions de curseur et de perspectives sont très utiles pour comprendre l’importance du vide.
Notion de curseur
Le vide s’oppose au plein.
Le plein, c’est cet agenda bien rempli, cette activité professionnelle intense, c’est aussi cette vie sociale que l’on a construite, ces amis, ce sont également tous ces biens matériels que l’on a accumulés depuis des années : notre maison, nos objets personnels auxquels on est attachés, etc. C’est toute cette vie riche et trépidante qui nous convenait mais que l’on se prend à regarder avec distance.
Quand on est actif, voire très actif, on a tendance à avoir toujours quelque chose de prévu ; cela peut être des sorties avec des amis, des activités associatives, du sport, des loisirs. Bien souvent, on sait comment va s’organiser la journée dès le réveil, et quand bien même on s’autorise à faire relâche, il est inconcevable de ne pas avoir quelques occupations, si négligeables soient-elles…
Pour autant, cela dépend de là où l’on place le curseur dans l'échelle qui relie deux pôles: entre être très actif et être inactif, entre être perfectionniste et être dilettante, entre être dynamique et être surexcité, entre avoir une vie passionnante et avoir une vie terne, etc…
C’est ce curseur qu’il s’agit d’adapter à la situation présente. Dans notre pensée occidentale, on dirait plutôt : « Rien n’est jamais tout blanc, ni jamais tout noir », ce qui laisse la place à toutes les tonalités de gris.
La perspective
Le vide dépend de la façon dont on regarde les choses.
Ce qui peut paraître vide à un moment donné et être source d’angoisse, peut être très bien vécu à un autre moment quand on se prend à regarder les choses différemment.
Une illustration simple est l’agenda : Si vous êtes indépendant en recherche de commande ou de client, rien de pire que l’agenda vide. Pourtant lorsque vous êtes en vacances, vous n’aspirez qu’à une chose, vous reposer, à oublier votre agenda et à sortir de ces journées où tout est planifié.
Dans le même ordre d’idée, le rythme quotidien nous impose bien souvent d’être tenu à des horaires et c’est un véritable bonheur de ne plus en avoir pendant les vacances.
Bien souvent, alors que rien nous y oblige véritablement, on n’imagine pas lâcher sa montre, et encore moins son portable ou son ordinateur dans notre quotidien, c’est juste impensable, « on en a besoin » alors que franchement, en vacances, on s’en passe très bien…
Le vide est une question de nuance
Selon là où se place le curseur et le point de vue adopté, le vide reste encore à nuancer car on perçoit chacun la sensation de vide de manière différente selon sa personnalité et ses propres expériences de vie.
Le vide est une question de personne, de lieu, de moment, d’échelle de temps, de domaine...
Le vide, un ressenti personnel
D’ailleurs, on le sait, quand on se sent « vidé de l’intérieur », bien souvent on préfère le garder pour soi car en fait on n’a pas vraiment lieu de s’apitoyer ! Si on rationalise ou que l’on se place du point de vue de notre entourage, ce vide n’est pas véritablement vide, tout est une question de nuance : vous trouvez que votre vie est creuse mais en même temps vos proches trouvent que vous êtes toujours en train de vous activer, de vous occuper de telle ou telle chose, de sortir pour vous distraire… Le vide est une affaire personnelle car si vous y réfléchissez, tout ce qui vous paraît vide maintenant, vous satisfaisait pleinement auparavant, dans le contexte et l’époque de votre vie d’avant.
Le vide, une absence de vie ?
Derrière le vide se cache l’inaction tandis que le plein renvoie à l’action et inconsciemment, l’action est assimilée au mouvement qui symbolise la vie.
On a tous entendu la maxime : « Le mouvement, c’est la vie ». C’est dans le mouvement que l’on se sent vivant. Or, bien souvent, on confond mouvement et action : dans l’action, au-delà du mouvement, il y a une intention, et parfois, quand on est pris dans le tourbillon, l’action devient pur réflexe au risque d’y perdre l’intention.
Le vide n’exclut pas le mouvement, il invite à se laisser porter, à suivre le mouvement sans intention prédéfinie.
Dans la pensée chinoise, le Yin/Yang illustre le mouvement de va-et-vient qui s’opère entre deux pôles qui s’opposent tels que le vide et le plein. Ce mouvement incessant représente la vie, il se retrouve dans toute chose : dans ce qui freine/ce qui accélère, ce qui stabilise/ce qui modifie, ce qui refroidit/ce qui réchauffe, ce qui aboutit/ce qui enclenche, etc. On le retrouve également dans les saisons, les cycles de la nature.
Le vide au propre et au figuré
Si l’on regarde la définition du vide, on trouve : « Le vide se dit d’un contenant qui ne contient rien ».
Le vide, cela peut être un sentiment lorsque l’on trouve sa vie insignifiante et sans saveur, lorsque nos relations nous paraissent futiles et creuses, lorsque notre activité professionnelle paraît inutile et vaine…
Cela peut être aussi très concret, une maison vidée des enfants, un quartier déserté par ses habitants, ou encore un dîner sans ses invités, des placards vides…
On retrouve le rapport entre le tangible et l’intangible de la pensée chinoise. Le tangible, c’est ce qui est matériel, ce que l’on voit ; l’intangible est ce qui est de l’ordre de la perception, de l’invisible, qui ne se mesure pas.
Mais alors, une fois ces différentes définitions et nuances posées, que faire du vide ? Comment gérer ces périodes creuses qui nous culpabilisent ?
Le vide, c’est être pleinement disponible
Dans la pensée chinoise, le temps n’est pas linéaire mais cyclique. Le vide annonce le plein, le plein invite à faire le vide. Dans le mouvement de va-et-vient entre le vide et le plein, le vide peut se voir comme une ouverture pour retrouver le plein.
Changer d’état d’esprit
Au-delà de se faire à l’idée que le vide est un « passage obligé », une étape qu’il faut accepter pour passer à l’étape suivante, le vide ne sera profitable que si on est prêt à changer d’état d’esprit : il ne s’agit pas de subir le vide mais plutôt d’y voir du potentiel.
Lorsque l’on traverse une période de vide, on se sent seul, on n’a pas toujours envie d’aller vers l’autre, de s’exposer. On serait plutôt dans le repli sur soi. Il ne s’agit pas de voir cela comme une façon de s’isoler négative, mais plutôt d’y voir une force. C’est l’occasion d’un retour sur soi, car avant de pouvoir s’ouvrir sur l’extérieur, le vide permet avant tout de se recentrer.
Pour autant, dans cette période, le regard des autres, notamment de l’entourage proche, peut s’avérer pesant. Notre attitude peut leur sembler déconcertante, car on ne cherche plus à s’activer en tous sens, à donner l’illusion ; l’entourage ne nous retrouve plus. Il s’agit de trouver la force en soi pour résister aux injonctions extérieures en restant solide sur son axe, en se référant à son intériorité, pour pouvoir ensuite retourner vers les autres de manière plus authentique.
Savoir accueillir le vide…
Accueillir le vide, ce n’est pas ne rien faire, l’idée est plutôt de suivre le mouvement, de se laisser porter… Autant dire que ce n’est pas toujours ce que l’on a appris !
Dit autrement, accueillir le vide, c’est ne pas attendre mais laisser venir. C’est être pleinement disponible à ce qui nous entoure, aux autres, mais également à soi. C’est aussi laisser la place aux idées, le vide permet l’émergence de ressources occultées.
Cela permet de « voir » les opportunités qui se présentent, de s’ouvrir à de nouvelles rencontres.
Et avant cela, la première étape est d’avoir identifié sa façon à soi de se ressourcer pour pouvoir prendre du recul sur sa situation.
Il y a le temps pour l’action, le temps pour le vide.
Elisabeth Passilly,
Accompagnatrice du changement – Coaching professionnel et formation